RATABOUILLADE à Saint-Antonin-Noble-Val organisée par Francis Touzeau
 du 05 au 07 mars

 

   
   C'est le gîte du Moulin de Roumegous, situé à Saint Antonin-Noble-Val en Tarn-et-Garonne, et choisi par Francis, qui nous a accueilli pourr cette 54ième Ratabouillade. Un grand merci à Francis pour son organisation sans fautes et aussi à Yoyo pour le choix des parcours routiers.
 
  
    Voir le reportage photos d'Alain
: https://photos.app.goo.gl/Tc5jdHMjPuWo4h5d6

    Voir le reportage photos de Francis: https://phoyos.app.goo.gl/12WtSJfBJW9ypQGf7

    Voir le reportage photos de Victor: https://photos.app.goo.gl/ytwvvuhfBemWnxhT8                                                    
                                                                      
 
  
                                                                                     Compte-rendu de Victor Sieso
                                                    Ratabouillade printanière autour des gorges de l’Aveyron, du lundi 4 au vendredi 8 mars 2024

   Francis T. n’a pas eu tort de nommer printanière cette rencontre d’hiver, habituellement réservée à la fin du mois de février, car le temps fut doux en ce coin de France, assez au sud il est vrai, loin des massifs de moins en moins blanchis de neige. Depuis quelques années, le rendez-vous de la petite troupe informelle s’est déporté au début du troisième mois de l’année, plus à cause de la crainte des chasseurs (qui écument tous azimuts de septembre à février quasiment tous les jours de la semaine) que par la hantise des retours vigoureux de froidures sibériennes, de moins en moins probables avec l’avancée inexorable du changement climatique.

                                                                                       
                                                                                                Castelnau-Montmirail d’avant

    Francis à qui donc on avait un peu forcé la main, de son propre aveu, a proposé pour nous régaler un secteur qu’il connaît bien puisque résidant du côté de Montauban depuis quelques décennies, il a pas mal exploré avec son club les pistes, chemins et sentiers, sans compter les routes, mais pour ce qui est de ces dernières, c’est Georges G. qui s’est collé à la découpe de parcours accommodants pour les vétérans que nous sommes tous devenus. Or donc c’est autour du gîte du Moulin de Roumégous que nous irradierons, selon grosso modo les points cardinaux. Francis avait même prévu une escapade dès lundi pour les amateurs d’exploration supplémentaire, mais personne ne s’étant manifesté, la ronde autour de Puycelsi a été déportée pour vendredi. Manque de bol, les cols de la forêt de Grésigne, que beaucoup déjà connaissent (pas moi en tout cas), nous passeront sous le nez, la météo du dernier jour étant assez alarmiste en termes de fortes précipitations (ce qui se confirmera pour la route auto du retour pour l’ensemble des participants).
    Les participants ? Pas loin de la vingtaine, un peu moins que d’habitude, mais a-t-on déjà établi une moyenne statistique depuis les cinquante et quelques balades proposées depuis la première rencontre à Tende de septembre 1994 ? Il me souvient qu’on avait commencé par la douzaine peu ou prou, l’effectif jouant selon les années un peu l’accordéon. Ce n’est pas non plus la première fois que les cols, matière première des centcolistes, vont rester le parent pauvre de cette rencontre. Sur les trois jours de virée, il y en eut moins de la dizaine à glaner (je n’ai pas compté), mais qu’importe, ce qui nous réunit, c’est l’envie de nous revoir hors de notre train-train au pays, de confronter nos expériences d’avancée en âge en matière de vélo, de partager encore la joie de l’effort sur des terrains qu’on découvre ou qu’on revoit avec un autre regard, d’autres émotions.
    Les cols ? Peu donc. Le vtt ? Minoritaire face à l’écrasante majorité de rouleurs sur route, et JeanMichel qui avait inauguré l’assistance électrique après la pandémie aura fait des émules, tant au niveau des randonneuses que des lourds engins 26 ou 27 pouces, bien vrai Alain et Chantal, Marie-Agnès ? Il faut démystifier ce moyen technique de facilitation, ne plus opposer les tenants exclusifs du tout musculaire aux partisans du petit moteur ponctuel qui aide et défatigue. Maintenant, je n’irai pas voir ce que disent les règlements mis à jour de l’amicale des diagonalistes ou de la confrérie des cent cols, je n’appartiens plus à la première et n’ai jamais cotisé pour la seconde…

                                                                                        
                                                                                          La grand place de St Antonin Noble Val

    Donc pas plus de vingt, parce que, il est vrai, Milou et Jacques et Pascal ont été les empêchés de la dernière heure, parce que Gérard craint la longue route depuis Grasse, parce que Régis s’est trouvé retenu par une promesse familiale, parce que le grand Bernard de Castelnau le Lez avait d’autres routes à voir avec ses compagnons de balade du Clapas. Mais qu’importe, l’absence des uns fut compensée par la présence des autres (un Théo, un Jean-Yves qui paraît-il était du Montauban-Badalona de 1995, une Marie-Agnès, des nouveaux venus invités par Francis, plus ou moins charentais tous trois). Si on dut se passer de vin d’orange ou de citron, de fromages d’Auvergne ou du Cantal, du miel du cyclo apiculteur, du génépi des Alpes, on ne manquera pas de saucissons du terroir, de terrines paysannes, de liqueurs fortes, de bières parfumées, de vins à robe claire ou foncée, avec ou sans bulles. Tradition d’accueil oblige !
 
                                                                                        
                                                                                   Grimpée première, la pente à deux chiffres y est !

 Je suis donc arrivé en voiture solo en milieu d’après midi en cette ville de Saint Antonin Noble Val que je connaissais déjà, pour y être passé en fin des années soixante, à vélo déjà, peut-être en diagonale plus tard, ou en remontant vers Brest toujours in pedalibus, mais encore parce que j’avais découvert la zone en touriste bourgeois si j’ose dire, suivant les recommandations de tel ou tel guide. Ma pérégrination à essence me mena en ce doux lundi lumineux, par petits fragments du côté de La Voulte, pas celle du Rhône fougueux, mais proche de l’Orb, un coin avec chapelle que JPR nous fit découvrir lors d’une de ses nombreuses balades -découverte cyclotouristiques entre amis ; puis vers le terrain inconnu filant en forte pente vers la croix perchée au dessus de St Amans Soult ; et je revis pas loin de St Antonin la belle petite cité de Castelnau–Montmirail dominée par sa lourde croix porteuse d’un Christ non moins géant. Curieusement, je pensais que le Lot traversait la ville de Saint Antonin, sise en Tarn et Garonne, on me confirmera vite que c’est bien l’Aveyron qui coule ici. Il coulait bien d’ailleurs, plein d’eaux marronneuses et abondantes suite à des pluies assez soutenues des jours passés.

                                                                                       

                                                                                            Là où est le calcaire est l’argile !

    Ces précipitations de fin d’hiver, indispensables pour la recharge des réserves, souterraines ou aériennes, pour la relance vigoureuse des végétations, des cultures, avaient aussi préparé pour nous des passages bien trempés (ou détrempés), des flaques énormes masquant les trous des chemins, des parties boueuses voire glissantes au ras des falaises des cirques calcaires. Mais tous ces aléas font partie du jeu. On ne connaîtra pas la fange comme dans les Corbières de Parahou le Haut ou de Tuchan lorsque l’argile colmata les roues, entrava la mécanique, cloua les engins. Non, le terrain était moins collant et bourbeux, finalement pas trop dur à franchir. Nous ne serons il est vrai que cinq ou six à nous escrimer dans certains passages délicats, à nous cabrer pour remonter sur un rebord de plateau.
                                                                                   
                                                                                      
                                                                                      Entre deux portions de chemins à gadoue

    Les routiers nous conteront leurs promenades tranquilles et roulantes, ils feront systématiquement plus de bornes que nous, dépasseront aussi les dénivelés grimpants, mais ne saliront point leur machine comme les nôtres furent maculées. D’ailleurs, Francis dès mardi nous a déviés sur un autre itinéraire, avec regroupement de tous les comparses à Verfeil sur Seye, un village qui essaie de revivre, près duquel Yoyo exerça ses fonctions de maître d’école dans le temps. Pour qui put l’entendre, le rédacteur toujours en piste de la revue fédérale nous instruisit de la présence en ces terres de Colette Magny, une chanteuse engagée des années cinquante, de l’accordéoniste de Piaf qui choisit de venir par là aussi. Le café restaurant des « tontons zingueurs » nous abrita un moment pour le petit noir ou le verre de mousse ambré. Les halles couvertes furent les bienvenues pour laisser passer une belle averse orageuse qui laissera les routes ruisselantes et les chemins dégoulinants. Occasion de capter de jolies images d’éblouissants contre-jours et de cieux pleins de froncements fuyants de Jupiter (Gide !)

                                                                                    

                                                                                               Sous la halle à Verfeil

    Vous compter par le menu les péripéties dans l’ordre, ce n’est pas le but, je vais faire un peu comme Pérec, je me souviens de…
    Je me souviens de parcours verts et fleuris d’aubépines, de prunus, de magnolias roses, de rouges cognassiers exotiques, de discrètes primevères annonciatrices de jours meilleurs.je me souviens de n’avoir pas vu un seul asphodèle, remplacé sur les hauteurs par l’inhabituel poireau des champs. Je me souviens des nombreux buis pas tous ravagés par l’insecte envahisseur et des grands sous-bois de rouvres, promesse qui sait pour des truffes succulentes. Je me souviens des premières parures frêles et claires sur les arbres des rives, saules et aulnes en chatons ou en cônes, et des asperges qui pointaient sur les petits sentiers que je suis allé visiter avant les repas de chaque soir, avec des plats chauds préparés par les cuisiniers de l’ehpad voisin ; dont une choucroute qui n’avait rien à envier à celles de l’Alsace opposée.

                                                                                   

                                                                                  La bicyclette est sauve (vu dans St Antonin)

    Je me souviens d’un matin grimpant vers le roc d’Anglars (mais pour s’arracher à soi, il faut s’élever physiquement, ou plus prosaïquement, comme le signalait un panonceau sur le sentier du calvaire vers la chapelle ruinée, ce n’est pas qu’il monte, c’est qu’il nous élève, nuance !) : c’était presque trop beau, la brume se lève, la vallée se découvre, le soleil parvient à sourire, l’air est soyeux, fait voguer de diaphanes senteurs. En voiture, on passerait sans remarquer ça, sans rien ressentir…Je me souviens en nous élevant au dessus des prés brillants de rosée et d’averses nocturnes, poussant l’engin dans les ornières noires de boue, d’avoir ressenti la joie comme celle du cheval ébrouant sa liberté au sortir des clôtures (Tesson S.). Je me souviens de la tentative presque réussie de la reprise en chœur de l’air qu’entonnait JPR dans l’ambiance réchauffée autour des tablées passée sur « un soleil comm’ça » , enchaîné comme un interminable boléro de Ravel en crescendo collectif. Il me souvient de ces intrusions au pays des maisons bâties de pierre jaune du terroir, de cette ruine érigée de château déchu sur un piton (Penne), de ce pigeonnier rond au mitan d’un pré qui n’avait plus de loge pour l’entrée des oiseaux, de cette cascade pétrifiante pleine d’eaux bruyantes, de mousses luisantes et de fougères balaises

    Je me souviens d’une ou deux crevaisons, la faute aux échardes végétales qui se vengent, de ce col des lignes que Claude a tenu personnellement à honorer de sa grimpée parce qu’il ne l’avait pas encore à son répertoire, de ce repas commun (le pique-nique tiré du sac) entre les puissants murs d’une ancienne commanderie des templiers à Vaour. Je me souviens de cette côte raide comme un mur : la rue de Rodanèze, qui ne manqua pas de réchauffer les corps un peu transis pour aller voir là haut les innombrables salades douces qu’on ne reverra nulle part ailleurs. Je me souviens de ce clocher pointu dressé à plus de cinquante mètres, comme ceux de Montagnac en Hérault ou de Massat en Ariège, ils ne sont pas si nombreux à atteindre ces hauteurs hors de proportion avec le nombre d’habitants du bourg.

                                                                                   
   
                                                                                             Belvédère du Roc d’Anglars

    Mais j’ai raté la visite de Saint Antonin sous la conduite du connaisseur Yoyo, qui a conduit quelques ouailles du groupe à travers ruelles et le long de vieux édifices porteurs d’histoires et d’anecdotes, sans doute pourra-til répondre à mes interrogations : St Antonin n’était pas un St Antoine, et l’Aveyron se jette-t-il dans le Tarn ou dans la Garonne, et quelle était la principale industrie au temps du moyen âge en cette ville : les peaux, les tissus, la pierre, sans compter les blés ou le vin…

    Les « jeuniors » de 55 à 75 ans (ils se reconnaîtront) ont bénéficié de la clémence relative des cieux (certes la tempête Monica est passée au large, mais pour Grésigne et sa forêt immense à l’instar d’un bois d’Iraty, grésil et pluies étaient bien là, et on a renoncé avec raison) ; le temps avenant et bienveillant nous aura permis une parenthèse agréable, point exigeante, adaptée à nos conditions physiques qui ne pétillent plus comme antan (mais pas de regrets !). Et pour une fois, il me semble bien que l’ensemble de la troupe a attendu le dernier jour, vendredi, pour se séparer et rentrer chacun vers son chez-soi.
 
    Allez, la revoyure est prévue pour septembre, en été donc, pour une ratabouillade estivale pressentie un peu plus loin, un peu plus corsée sans doute, dans l’Ain, vers Hauteville-Lompnès, un carrefour de bcmf révolus, et c’est Régis qui nous régalera !

                                                                                                         

                              Sous-bois lumineux mais boueux                                                                                                    Que d’eau, que d’eau