VTT à alzon: 12 et 13 septembre 09

crédit photo: Gérard Fillion, Alex Poyer et Victor Sieso          récit: Victor Sieso - épilogue: Georges Golse dit "Yoyo"

      Le chemin n’était pas long jusqu’à Alzon depuis Montpellier, pourtant, comme d’habitude, j’ai quitté la ville et le boulot sur les chapeaux de roue, sans avoir des nouvelles de personne. Ce week-end aurait-il bien lieu ? Pas un coup de fil, pas un mail, bizarre … J’étais prêt à m’aventurer en Cévennes sans carte et en solitaire si le rendez-vous était manqué

      Mais non, tout ceci est de ma faute, je n’ai pris le temps de contacter personne et mon adresse électronique est devenue obsolète, tout ceci sera corrigé après transmission des bonnes coordonnées à l’organisateur.

      L’organisateur ? Je vous le donne en mille : JPR de Castelnau avait envoyé courant mai le bulletin d’inscription pour deux journées centrées sur la petite ville d’Alzon, coincée entre vertes Cévennes et rocailleux Larzac, et j’avais répondu favorablement avec un chèque de caution.

      Ainsi donc je parvenais parmi les derniers au gîte collectif du Colombier, facile à trouver face au village sur le chemin de la laiterie. Dans la petite cour, plus de voitures que de vtt : c’est qu’il faut en amener de l’équipage en sus de la bicyclette, des vivres, des changes, des apéros, des bouteilles, des cadeaux ! Avec mes garbanzos de San Ildefonso, j’avais l’air modeste ! Comme d’habitude, certains qui débordent sur les deux jours officiels de sortie, avaient en outre rajouté la randonneuse, parce que les routes du secteur sont belles à sillonner, cols ou pas, en cette fin d’été qui n’en finit pas de briller de tous ces ors.

Alzon: la fontaine et le gîte Colombier

      Des habitués absents, il n’en manquait pas, si j’ose dire, les Gillodes et autres Bouillerot pris dans des engagements en cette seconde semaine de septembre, le Kikou de Limoux et le Germain d’Outre Quiévrain pour des raisons de santé, le Martial qui n’émarge parmi le groupe que de loin en loin, rattrapé par son boulot sans doute. La relève étant toutefois assurée par quelques néophytes plus ou moins nouveaux arrivants, mais que nul n’ignore dans la petite communauté des cent colistes à part moi qui fais figure de cas particulier : ainsi des Guy, des Régis. Le seul homme neuf cette année fut un certain Bernard, voisin de Castelnau Le Lez, grand gaillard branché vtt venu sur invitation de JPR donc.

      La grippe A n’est pas passée parmi nous, et personne n’avait le masque au moment des retrouvailles : « qu’as-tu fait cet été, alors cette semaine fédérale, ces voyages itinérants, ces pointages BPF, ces incursions au-delà des frontières ? ». Depuis qu’on se connaît en septembre 1994, le temps semble s’être arrêté sur ce groupe manifestement toujours en forme. Les années sont passées par là mais le goût du revenez-y, de l’organisation et de la partance sans cesse se renouvelle que c’en est un plaisir. On avait d’autant moins de raison de paraître tristes que la météo persistait rivée vers les hautes pressions anticycloniques et que le Jean François Honoré qui tient le gîte avec sa femme se montra d’une extrême efficacité et d’une grande affabilité. Ce qui ne manqua pas d’ajouter au caractère agréable de cette évasion, cadencée depuis des lustres sur un rythme biannuel.

Col de la Combe: Francis, Michel, Philippe...

...et Pierrette.

      Je connais le coin, mais comme toujours, il en reste des pistes pas parcourues, des détours insoupçonnés, un petit col à aller pêcher entre les branches. Sur les flancs de l’Homme Mort se greffent ainsi des tas de possibles variantes. Je ne connaissais pas la Croix de la Guérite, ou alors j’ai oublié, ou encore le panneau n’existait pas 25 ans en arrière. On n’ira pas au Faubel que tout le monde connaît parce qu’il est routier facilement accessible depuis l’Espérou ; nous avons pris plaisir à toiser le vaste panorama depuis le roc de St Guiral où l’on pouvait imaginer quelque ermite dominant son monde de blocs et de bois faire ses oraisons au ciel immense. D’ailleurs une légende rapporte que ces religieux se faisaient des signaux  entre St Baudille, le Saint Loup et le présent granitique roc, point culminant de notre séjour méridional.

La Route Forestière mène...

...au Roc de Saint Guiral (1366 m)

      Notre route du samedi (qui fut plutôt chemin) fut de gloire et de poussière, sous la lumière dorée des rayons déclinants proches de l’équinoxe, encore brûlants sur les adrets, avec les prémices précoces des coloris sur les hêtres roussis avant l’heure. On pouvait respirer l’amertume du genêt terni, la fragrance du serpolet foulé, les senteurs envolées des graminées déshydratées.

Guy et Guy, Victor et Francis

Halte au pied du Roc de Saint Guiral Arrivée au lac des Pises
Lac des Pises depuis la Lusette Arrêt pique-nique à Pradals
Les hêtres du Col des Tempêtes Jean-Pierre et Francis

      La boucle sera accomplie presque comme prévu, mais le nombre des crevaisons allant croissant au fil des kilomètres entre schistes tranchants et pointes des branches coupées, tant et si bien que d’un commun accord on décida de plonger sur Arrigas et de rejoindre la première route plutôt que de refaire à l’envers la pente rébarbative du col de Cauvel.

Belle descente avant la remontée sur le Col de Cauvel

      La partie routière restante pour rallier Alzon nous éloignera quelque peu du terrain de terre et de pierre qui est celui du VTT, mais même si JPR renâclait quelque peu de ne pouvoir faire terminer le groupe comme il l’avait préconisé, je pense qu’in petto tout le monde se satisfît d’un final roulant malgré la remontée vers le tunnel perché sous le vrai-faux col d’Alzon (inconnu de la confrérie, pas annoté sur le cadastre et pourtant remarquable ensellement séparateur de deux bassins versants). D’ailleurs Victor et Gérard (de Bourgogne) furent apparemment les seuls à franchir le col géographique, se hissant quelques dizaines de mètres au dessus de l’effondrement argileux marquant l’entrée de la galerie éclairée. Les deux grimpeurs impromptus déboulèrent en fin de compte au Roc de la Vierge, au bout d’une forte montée sur vrai chemin cette fois, ce qui les fit terminer tout à fait en dernière position. Le demi avait déjà abreuvé les autres au seul hôtel encore en fonction d’Alzon : on se rattrapera au moment de l’apéritif, instant fort de ces deux journées, tellement fourni en alcools et victuailles qu’il pourrait  supplanter facilement un repas, que pourtant nous allions prendre, et une heure avant la veille, où le dîner nous fut proposé à 21 heures.

      La volaille d’Homs qui courait sur le plateau quelques heures auparavant finit bien garnie dans nos assiettes, et s’il n’y eut pas de blanquette pour clôturer les agapes, les rouges de l’Hérault et du Périgord supplantèrent sans mal la pétillante production limouxine. Limoux, dont nous eûmes un bel écho avec la remise d’un tableau symbolique, de la part de l’ami Jacques, à notre organisateur dévoué, avec aussi la projection sur le micro de Francis (à écran quasiment macro) de l’épisode nocturne du Carnaval de février dernier.

      Dimanche

      Il n’était pas clairement dit que dimanche serait aussi dégagé et lumineux que la veille, la météo avait mis des nuages dans le sud, des rentrées marines, des développements orageux. Peu importe, sur le Larzac méridional de surcroît, il vaut mieux parfois un peu d’ombre du ciel pour tempérer l’aveuglante réverbération des blancs calcaires semés sur les pistes que nous allions parcourir. Or premièrement l’azur se renouvela aussi manifestement que celui de samedi, et deuxièmement en fait de silex et de passages techniques au fond des replis du causse, nous ne quittâmes quasiment jamais le goudron sous le soleil généreux d’un paisible jour de septembre.

      Non pas que le groupe se replia pour cause de fatigue vers les voies plus directes et plus faciles, mais un sacré épineux problème vint entraver notre progression  du côté de Grailhes, un de ces domaines disséminés comme on en voit entre Blandas et le pays de Sauclières. Ici un propriétaire sûr de son fait a annexé des hectares de terrain à des fins personnelles, faisant fi des servitudes de passages, des anciens tracés de GR, des millénaires sentes taillant au plus droit dans ce monde de collines mouchetées de chênes et de pins. Il a dressé piquets et barrières, usé des kilomètres de fil (pas barbelé a priori), creusé des tranchées, bétonné de ci de là pour ménager un portique portail bien haut, infranchissable. Le chantier apparemment n’en est pas à sa fin, les travaux continuent jusque dans le fond des ravins les plus sauvages : le bonhomme n’a peur de rien et voit grand. Nous eûmes beau tenter d’être discrets en traversant la clôture électrique pas encore  branchée, Jean Pierre eût beau essayer de persuader le gardien des terres privées, surgi d’on ne sait où, de nos pacifiques intentions, rien n’y fit ; comme à Cassagnas l’an passé, les intentions semblaient plutôt belliqueuses. Le menu peuple désarmé ne put rien faire contre l’arrogance d’un seigneur local, éleveur soit disant de chevaux et de moutons (nous n’en vîmes pas l’ombre d’un seul dans l’enclos étiré sur des kilomètres à la ronde), potentat de hasard qui a su acheter ses droits à la commune dépossédée et qui fera peut-être de son domaine une chasse gardée pour amuser une frange aisée venue d’ailleurs en ces ingrates terres de la sorte réhabilitées.     

Sur le Causse, une cazelle

      Il n’était pas difficile de rattraper malgré tout le coup, même s’il fallait sans barguigner renoncer au passage direct vers le pas de la Virenque, il suffisait de rebrousser chemin, emprunter un peu de route vers le Luc, repérer le sentier rouge et blanc traversant la zone, le suivre vers La Couvertoirade, etc.

      Mais l’ami JPR marqua le coup, vexé, dépité, pris la main dans le sac une seconde fois (et comme dit le proverbe « jamais deux sans trois » ; mais encore pourrions-nous rajouter : « un homme averti en vaut deux »), déçu par la cassure du déroulement normal d’une journée qu’il avait prévu autrement, il n’osera pas revenir sur sa décision de boycotter le restant de l’itinéraire. On irait à La Couvertoirade, de là on aviserait. Du Pas de la Mule, il n’était plus question, pas grave dans la mesure où ce passage n’est pas homologué officiellement en haut lieu.

La Couvertoirade La jante explosée de Gérard!

      Comme un malheur n’arrive décidément jamais seul, en ce dimanche de soleil fleuri et de suave chaleur déclinante, une autre tuile tomba sur le groupe : le sieur Gérard (de Grasse) se fendit d’une panne irréparable : jante arrière rendant l’âme sur la tranquille montée vers Le Cros. On eût le temps de respirer l’amertume légère des buis, d’admirer les  chevaux camarguais élevés alentour, de prolonger un peu plus la halte incident avec une nouvelle crevaison (Guy, pour la seconde fois, mais je ferai ex aequo avec lui), de se remémorer quelle pouvait bien être la vie des gosses du bagne de Campestre et Luc ; les jeux étaient faits : Francis se dévoua pour s’en revenir au gîte et prendre la casquette du dépanneur motorisé, tandis que le reste du paquet, un peu désarçonné, poursuivit son avancée vers l’ouest libre et ouvert   

Arrivée de Régis à La Couvertoirade

Au bord de la lavogne

 Libre et ouvert ? Voire ! Car une manifestation FFC de grande envergure sillonnait ce jour pistes, sentes et routes dans un grand périmètre autour du Caylar, et il n’était pas dit qu’une fois encore on nous interdise le passage ! Mais si l’on rencontra en effet bien des vététistes de tout poil (et même sans poil aux pattes car on croisa beaucoup de féminines), on ne nous barra pas la route ; la manifestation était tolérante vis-à-vis des marcheurs et autres pédaleurs non officiellement inscrits à ce marathon du causse.

      Sous le grand noyer à l’ombre profonde déployé au bord de la lavogne en mandorle (alors qu’elles sont plutôt systématiquement circulaires selon la guide de passage), on se consola avec une platée surabondante de pâtes froides et de vin chaud en degrés. Avec un tel ravitaillement instillé, suivi d’un café ou d’un thé dégusté parmi les derniers touristes de saison, on aurait suffisamment d’énergie pour s’engager vers des difficultés crapahutantes. Mais personne n’avait la bonne carte, ou du moins à la bonne échelle ; peut-être Jean-Pierre, au nom de la solidarité envers ceux qui durent donc rebrousser chemin, sans doute pour garder intacte la possibilité de revenir en ces lieux dans d’autres circonstances et avec un parcours vérifié sans entraves, Jean-Pierre donc décréta, à l’unanimité moins sans doute quelques voix qui se rangèrent à l’avis de la majorité, d’en finir avec cette journée qui ne ressemblait en rien à ce qu’il avait mis sur pied.

Eglise de Cazejourdes En file indienne

     Ainsi fut fait. : Le groupe plus uni que jamais se mit en file indienne sur les droites lignes au-delà de Cazejourdes et glissa sans hâte vers Sauclières, au-delà plongea vers Alzon sous le col  de la Barrière (un des rares passés en ce dimanche sans).

      Pour une fois, Philippe et son acolyte Claude, toujours les premiers à rentrer avant l’heure pour cause de long chemin voitureux à accomplir, proposèrent au contraire de prolonger cette balade décidément routière par un  crochet à Navacelles, c’est à dire au dessus du fameux cirque. Ce rabiot inopiné m’inspira. Je ne sais s’il y eut d’autres velléitaires dans le groupe ; le fait est qu’on se retrouva à trois sur le rebord du causse et à l’avant. Il est frustrant de plier boutique dès 15 heures alors que dehors luit un soleil à tout berzingue.

  Allez savoir comment, alors qu’on s’était mis d’accord pour rallier le col  de Campviel  par le tunnel d’Alzon, je me retrouve seul à naviguer sur la belle corniche dominant la naissante vallée d’Arre, entachée de quelques jolies notes automnales. Dès lors je ferai cavalier seul, pensant que les autres ont tout à fait renoncé. Ce en quoi je me trompai car de retour vers Blandas, sous les premières gouttes tièdes d’une dépression qui s’annonce, voilà-t-il pas que mes deux lascars Périgourdins font surface après la suante grimpée de Vissec ! Mauvais calcul, ils se sont payés une bosse trapue alors que je la descends, mieux valait tourner comme initialement prévu, les remontées sont bien plus anodines, suaves et si peu marquées qu’on ne les sent presque pas !

      16 heures, c’est encore très tôt pour terminer une journée, mais c’est ainsi. Francis et Gérard, les infortunés du jour, l’un par sacrifice, l’autre par malchance, tournent encore sur leur randonneuse. Sans doute vont-ils essuyer la belle averse qui va un peu mouiller la zone le long d’un axe Alzon- Le Vigan, ils nous le diront une fois prochaine. J’ai feinté les nuages m’en revenant en catimini par Saint-Pierre-de-la-Fage et Arboras. La pluie est parvenue faiblement jusque dans ce rebord sudiste du causse, il me restera du temps pour continuer à planter quelques salades de plus au jardin qui a soif, en attendant un vrai arrosage naturel, une fois encore reporté sine die, mais qui lorsqu’il adviendra en fera bien trop sans aucun doute !

                                                                                                      Le toujours actif Victor

Epilogue

Dimanche en début d'après-midi alors que nous faisions route vers le col de la Barrière et le gîte pour des "au revoir" en  ordre très dispersé, Victor de son côté et nos prochains GO de Février de l'autre, roulaient vers le cirque de Navacelle. Un joli parcours que Claude réclamait –sans succès- depuis nos premiers errements matinaux.

Sur le chemin du retour, dans une descente, Philippe vit soudain de petites étoiles scintiller devant ses yeux tandis que ses jambes refusaient tout effort supplémentaire. A l'heure où Victor s'affairait déjà dans son jardin, Philippe, dans son jardin d'Eden, s'affalait sous un pommiers d'où tombaient en abondance des poires (sic) juteuses sous l'œil inquiet de Claude. Le coup de fringale surmonté, il rentrèrent bon train pour se précipiter sur tous les aliments solides qui avaient survécu à nos apéros. Tout disparut au plus profond de son estomac… Avec notre aide, toutes les bouteilles entamées furent torchées alors que les pleines prenaient le chemin de Bergerac où elles nous attendent désormais.

Enfin vint l'heure du dîner. Claude et Jacques nous régalèrent de leur conversation faite d'un échange de recettes et de trucs culinaires. Nous en vînmes à évoquer les églades de moules de Francis. Et là, Dédé nous révéla un talent que l'on ne lui connaissait pas : Dédé est un fin pêcheur de moules ! Oh, non pas la classique, la traditionnelle pêche aux moules des bords de mer ! Lui, c'est la sportive, au lancer, dans les eaux tumultueuses de la Dore. De grosses moules inexorablement attirées par l'appât du pescofi, de grosses malheureuses qui avalent voracement le trident et se font ferrer d'un coup de poignet expert. Mais l'amoureux de la nature leur rendait rapidement la liberté. Bien sûr tous les esprits moqueurs se gaussèrent et ne se calmèrent qu'à l'arrivée des alcools pour les hommes offerts par le gérant du Gîte, ex-prof d'histoire et géographie, pour la petite histoire (son épouse étant prof de math en exercice).

Lundi, alors que Gérard prenait la direction de la Haute-Loire pour un voyage itinérant que la météo annonçait venteux, pluvieux et froideux (c'est pour l'harmonie des sons), Jacques et Dédé s'en allaient vers la vallée de la Vis en compagnie du signataire qui devait accompagner Gérard mais s'était lamentablement dégonflé.

Pour finir, les Auvergnats affirment avoir vu une fusée montalbanaise franchir le tunnel d'Alzon avant de s'arrêter devant le restaurant local et conclure devant un brandade de morue notre épisode gardois.

                                                                                            Yoyo

Mon avocat me prie d'ajouter pour ma défense que je suis allergique au froid, au vent, à la pluie et aux tunnels…

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